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L’INTERVIEW DU LAB’ : Jean du Voyage
Fraîchement arrivé dans le label, nous avons interviewé Jean du Voyage à l’occasion de la sortie imminente de son nouvel EP Namaskar, le 24 mai prochain.
L’INTERVIEW DU LAB ‘
1) Qui est Jean du Voyage? Qu’est ce qui t’a fait basculer dans le monde des artistes ? Une anecdote lié à ton parcours musical qui nous permettrait de mieux te connaître ?
J’ai découvert le scratch en 1998, une période où le turntablism était en pleine effervescence. C’était une discipline assez méconnue du grand public et en pleine évolution, l’idée de créer des sons de manière autodidacte m’a tout de suite plu. Je suis parti en quête de vinyles chez des disquaires spécialisés qui m’ont initié progressivement à différents styles musicaux en me faisant découvrir des morceaux incroyables.
Après quelques années de pratique j’ai participé à différentes compétitions par équipe (DMC, IDA) et remporté les championnats de France IDA en 2010 avec Bankal (Chill Bump) et Kraps. J’ai également participé plusieurs fois à la TKO, Battle organisé par C2C et Pick Up Production, les Battles ont été de bonnes écoles pour apprendre à me dépasser et avoir un retour sur ma musique. Pour l’anecdote, une année je suis allé jusqu’en finale et au moment où le jury à annoncé que je n’était pas le vainqueur (3 voix contre 1) le public m’a fortement soutenu, mécontent de la décision. Ça m’a vraiment touché, j’ai pris conscience à ce moment que ma musique pouvait intéresser plus de monde que les aficionados du scratch. Autre belle surprise, c’est 20syl qui a voté pour moi lors de cette finale, j’ai énormément de respect pour son travail et la qualité de ses productions, c’était très gratifiant d’avoir son soutien cela m’a motivé à améliorer mon niveau de production et composer davantage.
Par la suite j’ai réalisé plusieurs projets au gré des rencontres, sorti One Seed EP (Blackelk Recordings), The Closest EP (JFX Lab) et mon premier album : Mantra (Jarring Effects). J’ai fait pas mal de dates dont une tournée de 5 semaines en Inde, rencontré des musiciens locaux et donné des ateliers d’initiations au scratch à plus de 200 indiens c’était une expérience inoubliable. En 2017, j’ai fait un projet similaire à Cuba, je n’imaginais pas que ma passion me permettrait de vivre tout ça un jour.
2) A l’écoute, le BeatMaking au sens large et les musiques du monde constituent l’essence de ton projet: Correct ? Y a-t-il d’autres esthétiques musicales qui te définiraient ?
Oui en partie, j’ai tendance à me définir comme un explorateur sonore, je suis inspiré par de nombreux courants musicaux et c’est important pour moi de ne pas rester dans un seul registre.
3) Pourquoi travailler avec un musicien indien sur ce projet ? Qu’est-ce qui te parle dans la musique indienne ? Il paraît que tu as la bougeotte: un souvenir de voyage à nous raconter ?
J’ai rencontré V. Soundara Rajan dans le Kerala lors de ma tournée en Inde, il m’a fait découvrir son instrument, la Veena Saraswathi, dès les premières notes j’ai été sous le charme et ça m’a donné envie d’en savoir plus sur cet instrument et la musique carnatique. Il m’a proposé de venir à l’école de musique de Thiruvananthapuram où il enseigne, j’ai pu assister à un concert que donnait les enseignants auprès de leurs élèves, c’était magique. Il est venu également à mon concert avec un de ses élèves et a découvert le scratch pour la première fois en live. J’ai rencontré de nombreux musiciens talentueux dans les autres villes où je suis allé mais c’est la rencontre avec Sounder qui m’avait le plus marqué. Dans un deuxième temps j’ai pu inviter un des musiciens en résidence à La Rochelle et le choix était évident. Pour l’anecdote c’est le seul musicien avec qui je n’avais pas échangé directement sur place car il ne parle pas très bien anglais, j’étais donc à chaque fois accompagné d’une interprète qui parlait anglais et malayalam. A La Rochelle je ne connaissais personne qui parlait malayalam, je ne savais pas si on allait réussir à échanger correctement et réussir à créer ensemble dans de bonnes conditions. Malgré la barrière de la langue ce fut une expérience unique et inoubliable, une vraie initiation, je ne pouvais espérer mieux.
Ce qui me parle dans la musique indienne c’est son coté mystique, sa richesse et sa précision. La musique carnatique est chargée d’histoire et elle m’a touché instantanément. Rencontrer ces musiciens dans différentes régions m’a sensibilisé à divers instruments et rythmes traditionnels, cela m’a fortement inspiré. J’ai souhaité partager ses influences avec de nouveaux morceaux.
Clip de Nakshathram
4) Peux tu nous parler des collaborations artistiques sur cet EP ? V. Soundara Rajan, Pierre Harmegnies côté musique et avec Sly2 côté graphisme.
Tout est parti de la résidence avec V. Soundara Rajan, je souhaitais mettre en valeur son instrument, la musique carnatique et à la fois mélanger nos influences. C’était un plaisir de composer et enregistrer ces nouveaux morceaux, Sounder est un musicien très talentueux avec une grande expérience, il a une sensibilité et une narration dans ses mélodies. Pierre est un ami avec qui je fais de la musique depuis de nombreuses années, on a une vrai complicité, il a rencontré et joué avec Sounder et le feeling est tout de suite passé, je suis heureux qu’il ait pu participer à ce EP et vivre ses moments avec nous.Pour l’artwork j’ai fait appel à mon ami Sly2, il me fait l’honneur d’illustrer ma musique depuis le début, on aime échanger nos idées et je suis toujours émerveillé par son travail, d’ailleurs n’hésitez pas à aller faire un tour sur son site. Il a fait un visuel magnifique pour ce nouvel EP, j’ai hâte d’avoir le vinyle entre les mains !
Cover de Namaskar
5) Quels artistes ont été tes grands influenceurs ? Ceux qui t’ont donné envie de faire de la musique et/ou qui t’ont inspirés pour lancer ce projet.
Il y en a beaucoup et dans différents styles, au début c’était principalement des DJ’s / Turntablists de la scène scratch : D-Styles, Toadstyle, Kid Koala, Babu, Crazy B, Pone, Troubl’, Tigerstyle, Vajra, Netik, Double H DJ Crew, C2C et BNN puis des beatmakers : J Dilla, DJ Shadow, Jazzy Jeff, Madlib, Pete Rock, Hi-Tek, 9th Wonder, 20syl. Par la suite j’ai écouté beaucoup de reggae, particulièrement des oldies de roots jamaïcain et quelques producteurs situés en Angleterre comme Jah Shaka pour n’en citer qu’un. La scène anglaise bass music / grime /dubstep au moment de son émergence m’a particulièrement marqué, j’ai passé des soirées inoubliables à Londres à découvrir la puissance des basses dans des clubs underground.
D’autres producteurs m’ont également inspiré plus ou moins directement tels que Bonobo, fLako, Imhotep, Sorrow, Ruckspin, Quark, Flying Lotus, Fitchie, Lorn, Burial, Culprate, Eprom, Shlohmo, Blossom, Long Arm, Swindle, Mala, DJ Vadim, Shigeto, St Germain, DJ Mehdi et également des musiciens : Anoushka Shankar, Zakir Hussain, Ernest Ranglin, Monty Alexander, Stan Getz, Mulatu Astatke, Louis Armstrong, Esbjörn Svensson, Steve Shehan, Idris Muhammad, Horace Silver, Billie Holiday, Nina Simone, Cesária Évora, la liste est longue…
6) Si on évoque FILASTINE, QUANTIC, BEATS ANTIQUE, CORNERSHOP, le label NINJA TUNE : ça te parle ?
Oui bien évidement, Ninja Tune par exemple est un label qui m’a beaucoup influencé, leur discographie est impressionnante, ils ont permis de faire émerger des artistes talentueux et valoriser la musique indépendante à un autre niveau.
7) La musique étant aussi un moyen d’expression : Quel est ton message ?
Je ne pense pas avoir un message en particulier, ma musique est le reflet de mes envies et de mes expérimentations. Chaque morceau a une histoire différente et je laisse ceux qui l’écoute y trouver un message.
8) Quel est ton processus de création ? Oiseau de Nuit ou Travailleur de Jour ?
Il évolue en fonction des morceaux et des personnes qui y participent. Je peux aussi bien commencer par créer une rythmique puis ajouter des mélodies ou enregistrer un instrument et compléter avec d’autres idées. Étant autodidacte j’ai commencé à faire de la musique de manière instinctive, cela a dû influencer ma façon de composer. Au fil du temps j’ai commencé à m’intéresser à des instruments traditionnels provenant de différents continents et essayer de trouver ceux qui m’inspiraient pour les enregistrer et les intégrer dans mes morceaux. Pour les collaborations c’est avant tout une rencontre et un échange, le processus s’enclenche souvent naturellement.
Concernant la deuxième question, les deux, cela dépend des périodes, mais j’aime particulièrement la nuit pour créer. La notion du temps est différente, il y a une énergie qui peut favoriser la créativité.
9) Des projets côté live ?
C’est en cours…
10) Pour quelle raison rejoindre la famille Banzaï Lab ?
On a eu l’occasion de collaborer ensemble plusieurs fois, on s’est bien entendu et j’avais envie de commencer une nouvelle aventure pour cet EP.
11) QUESTIONS BONUS !
a) Un mot / une punchline pour donner envie aux gens qui lisent ces lignes de t’écouter ?
Sit back, relax and enjoy !
b) La Question Freud que vous vous posez à vous même :
Est-ce que j’ai choisi le bon snare ?
NOUVEL ARTISTE : JEAN DU VOYAGE
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